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Comment les Gays ont trouvé la liberté en draguant dans les toilettes ?

    Une nouvelle exposition au Schwules Museum de Berlin explore l’histoire de la drague dans les toilettes à travers des photos, des objets historiques et des histoires très orales.

    Parmi les lieux que les Gays ont transformé en lieux de drague, des parcs comme le Central Park Ramble et le Tiergarten de Berlin aux sanctuaires comme Dick Dock de Provincetown et Meat Rack de Fire Island, peu ont influencé la psyché comme les toilettes publiques.

    « Les méfaits dans les toilettes publiques ont laissé d’avantage de traces dans les journaux de bord que dans la grande littérature », écrit le photographe Marc Martin dans l’introduction de sa nouvelle exposition au musée Schwulesde Berlin, FensterZumKlo : Toilettes publiques, affaires privées.

    Et bien que beaucoup de Gays « modernes » préfèrent oublier ce chapitre sordide de leur passé, les toilettes publiques sont indéniablement des lieux où la communauté a pu se rencontrer contre toute attente. « Ces toilettes publiques, dont l’histoire est intimement liée à la vie et aux aventures de nombreux Homosexuels, Transgenres, Escortes, Libertins, sont aussi des bastions de liberté improbables », écrit Martin.

    Martin a passé des années à collectionner des dizaines de milliers d’objets et de photos historiques et à réalisé des dizaines d’interviews sur les toilettes pour essayer de capturer l’essence de cette liberté. Il y a notamment son exposition au Schwules, dont la sélection comprend deux photos, ses mises en scène pour reconstituer des scénarios et ses sélections de sa collection historique pour faire découvrir aux visiteurs l’histoire du flirt aux toilettes.

    Certaines de ces photos ont été tournées dans des toilettes désaffectés du métro berlinois avec l’approbation du système de transports en commun de la ville, qui, loin de nier cet aspect de son passé, a adopté et sponsorisé officiellement l’exposition.

    Martin a parlé de l’impact historique et culturel des toilettes et de la façon dont l’histoire a touché les visiteurs de façon inattendue.

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    Votre exposition s’intitule « Toilettes publiques, affaires privées » et retrace l’histoire du flirt Gay et du sexe dans les lieux publics de Paris et de Berlin. Pourquoi pensez-vous qu’une telle « histoire de sexe » a sa place dans un musée?

    C’est la dimension humaine qui compte le plus pour moi. Ces lieux dits sordides, sombres et puants étaient d’incroyables lieux de mixité sociale : des Gays et des Hétéros de toutes les couches sociales, des hommes de tous âges, des milieux culturels et religieux s’y sont réunis. C’est pourquoi, sans ignorer la dimension sexuelle, je suis très fier d’exposer 150 ans d’histoire liés aux urinoirs publics ici.

    Il s’agit de ramener la couleur et la vie à ces lieux de rencontre de l’ombre. C’était mon défi avec l’exposition, restaurer le mélange inquiétant de sexe et de sensualité, utopie et urinoirs.

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    Votre objectif est Berlin et Paris. Pourquoi ces deux villes?

    Les toilettes publiques du monde entier racontent la même histoire, mais pour des générations d’hommes, elles étaient un lieu de rencontre et de reconnaissance. N’oublions pas que l’Homosexualité a été bannie par la loi pendant très longtemps. Dans de nombreux pays, les hommes qui voulaient rencontrer secrètement d’autres Homosexuels n’avaient d’autre choix que de visiter les toilettes publiques, qui semblaient « neutres » en apparence.

    Même les hommes Hétérosexuels pourraient s’y aventurer et avoir des rapports sexuels anonymes sans déranger la façade de leur vie Hétérosexuelle, du moins s’ils n’étaient pas surpris. Les petites histoires à l’intérieur des urinoirs ne diffèrent que légèrement, selon l’époque et la configuration des bâtiments, mais elles sont toutes les mêmes frissons, les mêmes peurs, les mêmes passions clandestines, les mêmes plaisirs furtifs ou symbiotiques.

     

    Comme vous l’avez dit, l ‘ »âge d’or » du sexe dans les toilettes publiques coïncide avec les périodes d’oppression et de stigmatisation des LGBTQ. Est-ce que cela fait du « sexe dans les toilettes » une histoire de tristesse, une situation que nous devrions être heureux d’oublier?

    Heureusement, les jeunes générations ont les moyens de se rencontrer différemment de nos jours, du moins dans les sociétés occidentales. Mais qu’en est-il des pays où l’Homosexualité est toujours interdite? La motivation pour cette exposition dépasse la simple nostalgie. Je voulais redorer l’image de ces rencontres, jeter un éclairage optimiste sur l’importance de ces lieux pour la communauté LGBTQ. Dans chaque ville ou village, les urinoirs publics servaient de phare LGBTQ.

    Les toilettes publiques ont souvent été associées à des pervers qui rôdent autour. Contre ce stéréotype, j’ai choisi de montrer, sur mes photos, des visages souriants et des mecs épanouis et excités dans un décor excitant. Si Marcel Proust, Jean Genet, Henry Miller, Paul Verlaine et Arthur Rimbaud ont été inspirés par le pissoir, c’est parce que ces lieux sales contenaient aussi du mystère.

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    La majeure partie de l’exposition traite des hommes ayant des relations sexuelles dans des toilettes publiques. Et les femmes?

    Le sexe dans les toilettes a toujours été un truc de gars. Cependant, Schwules a eu la brillante idée d’organiser une rencontre entre Agnès Giard, journaliste française et sexologue, et Manuela Kay, militante Lesbienne, journaliste et réalisatrice de porno à Berlin, pour un débat public centré sur le les perspectives de la promiscuité des femmes dans les lieux publics.

    Leur point de vue m’a surpris, elles ont dit que les femmes utilisent les toilettes pour des raisons sexuelles : pour s’éloigner des hommes, pour avoir un espace sûr, pour fermer la porte derrière elles. Elles allaient là-bas avec quelqu’un qu’elles avaient rencontré auparavant,  mais pas avec un inconnu.

    De plus, Manuela a mentionné que vous ne pouvez pas vous tenir à côté d’une personne dans les toilettes pour femme. Si vous vous êtes assis dans une cabine en attendant qu’une femme chaude entre, vous pourriez attendre pendant des années. Dans la discussion, il est devenu clair que les Lesbiennes ont une histoire très différente avec les toilettes publiques, une qui n’est pas si centrale, mais qui est importante et qui mérite d’être explorée davantage. Je n’en parle que brièvement dans mon exposition, avec une section consacrée à l’histoire des toilettes publiques pour les femmes. Lorsque les femmes ont toujours été privées de la possibilité d’utiliser les toilettes publiques – à cause des accusations d’indécence – elles étaient essentiellement gardées à la maison. Parce que comment pourraient-elles quitter la maison pendant de nombreuses heures sans avoir à faire pipi ? C’est une politique patriarcale pas si subtile.

     

    Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans les commentaires que vous avez reçus des visiteurs?

    La réaction des femmes est captivante. C’est un monde qui leur a toujours été interdit et elles sont fascinés de le découvrir, y compris le chapitre de l’exposition sur les toilettes pour femmes.

    Mais la réaction la plus touchante est venue d’un homme plus âgé que j’ai rencontré le week-end d’ouverture, qui pleurait discrètement avec le catalogue de l’exposition pressé contre son cœur. Il a été ouvert à une page avec des photos de toilettes à Berlin qui ont depuis été démoli. Il a dit qu’il y avait soixante ans, il avait rencontré un étranger qui deviendrait son partenaire, mais maintenant il est  mort. C’est une belle histoire et banale à la fois : ce qui m’a profondément bouleversé, c’est qu’il n’avait jamais osé avouer à qui que ce soit la vérité sur sa rencontre avec l’homme de sa vie, précisément parce qu’elle avait eu lieu dans un urinoir ! Il m’a ensuite remis le catalogue et m’a demandé d’écrire une dédicace sur cette page en particulier. Je lui ai demandé son nom et il a répondu avec des larmes dans les yeux: « S’il vous plaît, écrivez : pour Heinz et Jürgen ».

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